RENCONTRE // A 33 ans, il est le formateur francophone qui cartonne le plus sur la plateforme d’e-learning américaine Udemy. Sa double casquette de développeur et de coach en ligne lui permet de travailler en “digital nomad”, à travers le monde.

Le jeune homme débarque tout sourire, jean et tongs aux pieds, teint hâlé, à la rédaction des Echos START. Il est de passage à Paris pour deux semaines, avant de s’envoler à nouveau avec sa femme et ses deux jeunes enfants vers l’Asie, après plusieurs mois passés sur le continent américain. Cette vie de digital nomade, il la doit à son métier de développeur. D’où le pseudo.

“John Codeur” ne souhaite pas dévoiler son identité. “Quelle importance ? Et puis, de cette manière, je peux mener mes deux activités, formateur d’un côté et développeur freelance de l’autre, sans interférence. Cela me donne plus de liberté”, défend-t-il. Pour lui, l’essentiel est “d’enseigner son métier au plus grand nombre, changer la vie des gens grâce au code, comme ça a été le cas pour moi”.

“Dédramatiser le code”

En l’espace de deux ans, le jeune codeur s’est construit une solide communauté d’apprenants, au départ grâce à son site apprendre-a-coder.com (15.000 inscrits à ce jour), puis sur YouTube, où il dépasse les 24.000 abonnés. Mais c’est en rejoignant la plateforme américaine Udemy (24 millions d’apprenants dans le monde) lors de son lancement en France l’année dernière que sa communauté décolle.

Composée au total de 15 cours mi-gratuits mi-payants – de la découverte du développement web aux conseils pour démarrer sa carrière, en passant par des vidéos dédiés à HTML et CSS, Bootstrap ou encore WordPress – sa formation rencontre un vrai succès. Plus de 38.000 participants au compteur.

Un ton décontracté et engageant (le tutoiement est la règle), couplé à un format ludique et pratique avec de nombreux exercices, et des sessions courtes qui se suivent un peu comme une série, voilà la recette du succès. “Je suis là aussi pour dédramatiser le code, et casser l’image un peu aride qui lui est associée”, défend John Codeur.

L’objectif est d’amener ses élèves à savoir créer un site ou une appli en quelques semaines. Parmi eux, pas mal de jeunes, les uns professionnels en quête d’une meilleure compréhension des outils web, les autres en reconversion, voire avec un projet entrepreneurial, sans oublier les nombreux curieux.

“J’ai appris en faisant”

Si le formateur réussit à embarquer ses élèves, c’est que lui aussi est passé par là. Un autodidacte, malgré un diplôme d’ingénieur informatique. Ce fils d’informaticien a toujours adoré “bidouiller” sur les ordis, il créait des cartes de visite à 12 ans pour des proches, et des sites internet pour des commerçants à l’adolescence. Il n’a d’ailleurs pas de mots très tendres pour les écoles d’ingénieurs, qui selon lui “ne préparent du tout à la vie professionnelle”. Il s’enthousiasme en revanche pour les nouvelles formations “très pratico-pratiques” type bootcamps ou nouvelles écoles de code comme 42.

  • “Franchement, j’ai fait 5 ans d’études, mais je ne savais rien de concret à la sortie, il y avait trop de théorie”. Ce que je sais du métier de codeur, je l’ai appris par moi-même, à coup de tutos YouTube et de recherches sur les forums”. Pas le choix en même temps : la promesse d’un job bien payé dans la tech s’évapore lorsque, fraîchement diplômé, il débarque sur le marché de l’emploi en 2009, en pleine crise économique et plans sociaux…

Entrepreneur, employé puis freelance

Qu’à cela ne tienne, c’est l’occasion pour le jeune diplômé de tenter l’aventure entrepreneuriale dont il a secrètement toujours rêvé. Il crée de toutes pièces un système de vitrine interactive pour les commerçants. “J’ai appris en faisant au fil des mois, en allant chercher l’info à droite à gauche. Je me suis battu pour vendre ce produit, mais le business n’a pas décollé. Le produit n’était pas assez bon”, assume John Codeur, avec ce sourire toujours accroché aux lèvres, à la manière des humoristes.

Après les galères, certes formatrices de l’entrepreneuriat qui lui inculque “combativité”, “résilience” et “adaptabilité”, le jeune développeur se résout à rejoindre le monde de l’entreprise. Le travail d’équipe le stimule, lui offre un cadre structurant, et ses compétences techniques progressent, mais difficile de se projeter dans une routine métro, boulot, dodo quand on a connu la liberté pendant plusieurs années en tant qu’entrepreneur.

Le déclic en enseignant le code à sa femme

L’arrivée d’un premier enfant le motive à basculer vers le mode freelance : “on peut travailler quand on veut, choisir ses projets, et aussi mieux gagner sa vie !”, confie le développeur. La vocation de formateur arrive quelques mois plus tard, lorsqu’il convainc sa femme, ingénieure télécoms, de le rejoindre dans l’aventure. “Elle en avait marre de son boulot et de son rythme de vie, et de mon côté, j’avais de plus en plus de travail, alors je lui ai proposé de me prêter main forte. En échange de quoi, je devais bien sûr la former”, explique le jeune informaticien. Malgré le scepticisme de l’entourage, et la réelle prise de risque de lâcher un deuxième CDI, le couple se jette à l’eau.

  • “Elle a appris très vite ! Je l’ai accompagné pas à pas, et je l’ai très vite plongée dans mes missions. En deux mois, elle était opérationnelle, et quasi-autonome. Pour moi, ça été le déclic, j’ai adoré faire le coach”, confie John Codeur. Le voilà donc motivé par un nouveau projet : créer une formation complète et structurée pour accompagner des personnes qui veulent devenir développeur web. Pendant une année, il conçoit et produit, avec l’aide de sa femme, ses 40 heures de cours, et ses 237 sessions vidéos.

Un projet chronophage, mais qui lui tient à coeur. Pour lui, le métier de développeur est en train de devenir incontournable : ”On en a besoin dans tous les secteurs, il se diffuse à tous les métiers. De plus en plus d’écoles forment des développeurs, mais ce n’est toujours pas assez. Quand je vois des gens qui galèrent dans leur job, j’ai vraiment envie de leur dire, allez-y ! Rapide à apprendre, qui paye très bien, et sans chômage, il n’y a pas d’équivalent”, professe-t-il. Avant d’ajouter : “et en plus, il permet d’être libre”.

John Codeur et sa femme ont en effet “gagné un nouvel échelon vers la liberté”, en choisissant de devenir “digital nomad”. Objectif : “voyager à travers le monde et vivre quelque chose de fort en famille”. “Après tout, ce que je fais pour mes clients, je peux le faire de n’importe où”, lâche-t-il. Et ce qui ne l’empêche pas non plus de réfléchir à de nouveaux modules de formation pour sa communauté grandissante d’étudiants.

PAR JULIA LEMARCHAND

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