Bébé palestinien tué par des extrémistes juifs : à mon tour, je dis « pas d’amalgame »

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Bébé palestinien tué par des extrémistes juifs : à mon tour, je dis « pas d’amalgame »
Paru dans LE FIGARO (version papier)
Le 5 août 2015

Un drame est un drame. Aucune excuse, aucune espèce d’indulgence ne saurait accueillir le geste ignoble d’avoir incendié cette maison en Palestine qui a occasionné la mort atroce d’un bébé palestinien. Il ne s’agit pas d’une simple précaution : ce bébé palestinien est mien, et je ne fais aucune différence avec la mort insupportable d’un bébé israélien. Je n’ai pas attendu cette tragédie pour savoir qu’il existait au sein de la société israélienne, comme au sein de toute communauté nationale et religieuse, des fous, des exaltés, des crétins et des salauds qu’il convient de traiter avec la plus extrême sévérité. Je n’ai pas la religion des territoires, et je mentirais en disant que la coalition laïco-religieuse au pouvoir en Israël – imposée par un système électoral inepte – correspond à mes vœux les plus ardents.
Ayant pesé chaque mot au trébuchet de ma conscience, qu’il me soit permis à présent d’écrire que je ne saurais accepter qu’à nouveau un tel drame donne lieu à un psychodrame comme seul le conflit israélo-palestinien peut en accoucher, gros à nouveau de nouvelles catastrophes. Nous en avons, hélas, la triste habitude : en 1982, après le massacre de Palestiniens à Sabra et Chatila, succédant lui-même à celui, passé sous silence, de chrétiens à Damour, c’était Sharon le criminel de guerre et non les phalangistes. Après l’assassinat du malheureux Yitzhak Rabin, Benyamin Nétanyahou était déjà désigné comme ayant tenu l’arme du crime. Aujourd’hui, le même est censé avoir jeté le cocktail Molotov dans la maison incendiée. Comment expliquer, par exemple, que des journalistes français puissent vouloir faire porter l’entière responsabilité de la mort du malheureux petit sur un gouvernement israélien qui l’a pourtant dénoncée immédiatement comme « un acte terroriste » ? Ces commentaires ne s’expliquent que par la psyché très particulière d’observateurs qui se voudraient objectifs et rationnels.

C’est ici qu’une mise au point essentielle s’impose. L’immense majorité du peuple Israélien condamne sans appel l’incendie criminel. L’ensemble de la représentation politique israélienne, de l’extrême droite à l’extrême gauche, en passant par les partis religieux orthodoxes, le dénonce vigoureusement. Une manifestation nombreuse et plurielle a été organisée à Tel-Aviv le 1er août pour le réprouver avec indignation.
Le 11 mars 2011, dans le village d’Itamar, deux terroristes palestiniens pénètrent dans la maison de la famille Fogel. Ils assassinent les parents et égorgent trois de leurs enfants dont un bébé de 3 mois. Aucune manifestation n’a eu lieu à Ramallah. Si ce n’est de joie. Sondés, un tiers des Arabes de Palestine ont déclaré approuver le geste des assassins.
Un autre exemple. Le président de l’Autorité palestinienne, le « modéré » Mahmoud Abbas, s’est rendu à Beyrouth. Il y a donné l’accolade à un certain Samir Kountar, proche du Hezbollah et l’a traité comme un « résistant ». Or celui-ci avait été condamné en Israël pour avoir fracassé le crâne d’une fillette à l’aide d’une pierre. On trouve pourtant peu de commentateurs pour condamner cette complaisance chronique de la représentation politique palestinienne et d’une partie de la société palestinienne avec un terrorisme aveugle qui se poursuit dans l’indifférence absolue.

Je n’écris pas ces lignes amères seulement pour fustiger une hémiplégie morale et intellectuelle dont j’aurai passé une bonne partie de ma vie d’homme à expliquer les ressorts obscurs.

Il ne s’agit pas seulement d’une question élémentaire de justice et d’équité. Il s’agit, encore et surtout, de faire en sorte de ne pas alimenter de l’extérieur un conflit centenaire suffisamment passionné.

Il existe au sein de la société israélienne, et pas seulement à gauche, une classe intellectuelle qui s’impose à elle-même, au nom de la morale juive, des exigences éthiques particulières, sans égard aux actes de l’Autre. On ne peut qu’en prendre acte. Mais que des éléments extérieurs à la nation juive puissent décréter des normes et des conduites différentes aux adversaires en conflit et selon des critères mystérieux, relève de l’irresponsabilité intellectuelle.

Les uns vont trouver dans l’absence de condamnation de leur conduite la plus extrême une compréhension de l’injustice qu’ils subissent valant encouragement à poursuivre selon les mêmes méthodes. Les autres, dans la systématisation unilatérale de leur réprobation, la preuve que, décidément et en l’absence de toute justice équitable, seule la force solitaire peut prévaloir pour survivre.

Il est étrange et inquiétant que les mêmes qui répètent obsessionnellement « pas d’amalgame ! » lorsqu’il s’agit des crimes islamistes soient infiniment moins précautionneux en d’autres circonstances.
Si l’on veut sincèrement que cesse un jour cette tragédie israélo-palestinienne, avec ses retombées inflammables et criminelles également en France, encore faudrait-il s’essayer à ne pas l’alimenter par des jugements strabiques.