Quand bien même l’appel non authentifié de revendication serait venu d’Irak ou de Syrie, cet endossement publicitaire rétroactif ne coûte rien et ne prouve rien.
On peut réitérer tout ce qu’on a écrit l’année dernière en réponse au ministre français de la défense selon lequel l’ennemi est « Daech » et rien que « Daech » (http://www.stratediplo.blogspot.com/2016/06/la-pire-erreur.html).
Comme leurs prédécesseurs, les perpétrateurs de ces attaques n’ont certainement reçu ni mission ni moyens, de quelque commanditaire que ce soit. Ils n’appartenaient à aucune organisation, et s’ils s’identifiaient à une communauté de croyance c’est plus par un choix personnel déterminé par leurs lectures et auditions, que par une fatalité déterminée par leur lieu ou leurs conditions de naissance.
Les perpétrateurs, qu’ils soient de nationalité espagnole, marocaine ou française, ont appris les commandements de leur idéologie dans des salles de prêche qui ont pignon sur rue et auxquelles des autorités comme le ministre français de l’intérieur assurent que « ce n’est pas un délit de prôner » ça. Ils l’ont approfondie dans un livre en vente libre partout même dans les pays qui prétendent réprimer l’incitation à la violence. Ils en apprennent des exemples d’application sur des sites internet et des comptes de réseaux sociaux dont l’accès reste autorisé, sans qu’on sache si c’est par laxisme politique ou pour repérer et surveiller ensuite ceux qui s’y expriment.
Ils n’ont généralement « pas d’antécédents » du sacrifice bismillah de masse, car c’est une activité dont les conséquences ne permettent ni la récidive ni généralement la survie, et sont donc tous décrits, après coup par leur entourage, comme des gens jusque-là normaux sinon discrets dont le seul signe de moins en moins distinctif est de faire partie des 80% d’adeptes de leur idéologie qui déclarent ouvertement vouloir la mettre en pratique. Contrairement à ce qu’on dit, ils ne sont pas tous des terroristes, car ils ne cherchent pas nécessairement à engendrer la terreur par des frappes aléatoires comme leurs prédécesseurs d’il y a trente ans en France. Certains sont des agents d’initiative spontanée qui poursuivent un objectif précis (intimidation, publicité de recrutement, retrait des services étatiques) en visant des cibles déterminées en fonction de cet objectif, donc à l’opposé du principe terroriste interdisant de sélectionner la victime afin que chacun craigne d’être la prochaine. D’autres sont des pratiquants de base qui obéissent simplement au précepte d’occire le maximum de non-adeptes de leur idéologie. A une prochaine phase apparaîtront des combattants, d’abord individuels puis regroupés en milices. Le terrorisme n’est donc ni un acteur ni un but en soi, il n’est que l’un des modes d’action, présent dans l’une des phases. Le but c’est la généralisation de l’idéologie, par l’intimidation des faibles et l’élimination des réfractaires. Et l’acteur c’est tous les adeptes de cette idéologie.
En France, la doctrine officielle est la tolérance (et même la promotion) de l’idéologie au motif que certains adeptes peuvent ne pas la mettre en pratique, et que seuls ceux qui entendent l’appliquer à la lettre, que l’on appelle les radicalisés, sont susceptibles d’être dangereux, sans toutefois qu’on puisse en être certain et le leur reprocher avant la confirmation de cette intention de mise en pratique, c’est-à-dire le passage à l’acte. On assure que sur les (dix à quinze) millions d’adeptes il n’y aurait que dix-huit mille radicalisés recensés mais que la surveillance de chacun d’eux occuperait de quinze à vingt personnes à temps complet, soit une armée (d’avant Jacques Chirac). Il serait donc beaucoup moins coûteux pour la société de faire criminaliser par le législateur cette fameuse radicalisation et d’enfermer dans des emprises à surveillance commune ces dix-huit mille individus dangereux, c’est-à-dire de punir la radicalisation par une peine de prison d’une durée correspondant aux capacités physiques d’action de chaque radicalisé. Evidemment le législateur devrait définir les éléments constitutifs du délit de radicalisation, c’est-à-dire des critères objectifs permettant de déterminer si le délit a été commis ou non.