Tariq Ramadan: « La France est une culture maintenant musulmane. La langue française est une langue de l’islam. »

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L’orateur a demandé à la salle de ne pas applaudir. Pourtant sa conférence ressemblait étrangement à un meeting et ses propos à un discours de campagne. Pour conclure la neuvième Rencontre annuelle des musulmans du Nord (RAMN) organisée par l’UOIF le dimanche 7 février, Tariq Ramadan était seul sur la scène du Grand Palais de Lille entouré de drapeaux français. Devant un public de 3000 personnes, dont de nombreuses femmes voilées et une poignée de barbus portant le qamis (tenue du prophète), il a délaissé le costume de l’intellectuel pour enfiler celui du prédicateur. A le voir ainsi devant un public communautaire fasciné, on songe irrésistiblement à Mohammed Ben Abbes, le président musulman qui islamise pacifiquement la France dans Soumission, le dernier roman de Michel Houellebecq.

Loin du double-discours qui lui est souvent reproché à tort, l’élégant théologien aux cheveux grisonnants et à la barbe bien taillée a livré un plaidoyer sans ambiguïté en faveur de l’islam politique. Attention cependant, pas d’amalgame: contrairement aux fanatiques de Daech ou Al-Qaïda, Tariq Ramadan est un islamiste soft. «Quand on dit qu’on peut tuer des innocents au nom de l’islam, nous avons l’obligation de dire que nous condamnons ces propos et nous les combattons.» a-t-il martelé. Celui qui a reçu le nom de Tariq ibn Ziyad, l’artisan de la conquête arabe de l’Espagne au VIIIe siècle, condamne la violence. Pour imposer son projet politico-religieux, comme le président de Houellebecq, il mise paradoxalement plus volontiers sur les valeurs démocratiques et libérales de l’Occident et même sur la laïcité. «Que les Renseignement généraux qui sont dans la salle m’écoutent bien car tout ce que je vais dire est dans la loi. Tout est dans la République, la laïcité et l’unité de la France et en même temps contre un certain nombre de politiques qui feraient bien de se demander si ce qu’ils font et ce qu’ils disent est proprement légal, a-t-il lancé malicieusement, visant Manuel Valls. Lorsqu’on interdit de parole un certain nombre de personne, ce n’est pas nous qui dérogeons à la liberté de conscience et d’expression.»

Le credo de Tariq Ramadan pourrait être qualifié d’islamo-gramscisme. Pour lui, l’islam doit s’imposer, au moins dans un premier temps, non par la force et la terreur, mais par le combat culturel et la bataille des idées. La religion du prophète doit infuser la société française pour mieux la régénérer en la guérissant de son nihilisme matérialiste. «Le réveil de l’islam peut apporter une contribution jusqu’alors insoupçonnée à une véritable renaissance de la spiritualité des femmes et des hommes de notre monde» écrivait-il déjà en 1995 dans Islam, le face à face des civilisations. Ce dimanche, citant l’abbé Pierre qui voulait mener la guerre à la pauvreté, Tariq Ramadan a appelé son public au «djihad intellectuel, au djihad de l’éducation.». «Nous sommes des agents de réconciliation entre les valeurs de la France», a-t-il précisé.

Le petit-fils d’Hassan al-Banna, fondateur des Frères musulmans, s’inspire de l’idéologie de ce dernier: celle du Tamkine. «De l’individu, il faut former le foyer musulman, puis le peuple musulman, puis atteindre le gouvernement islamiste, puis établir le califat, puis reconquérir l’Occident puis atteindre le Tamkine planétaire.», expliquait Mohamed Louizi, ancien Frère musulman au FigaroVox. Une vision globalisante qui apparaît clairement dans le discours de Tariq Ramadan. «Ceux qui pensent que ce qui a trait à notre citoyenneté est uniquement lié à ce qui se passe à l’intérieur des frontières nationales se trompent. Il y a une relation très claire entre la question nationale et la question internationale.» a souligné le théologien avant d’asséner, «La France est une culture maintenant musulmane. L’islam est une religion française.La langue française est une langue de l’islam. Vous avez le capacité culturelle de faire que la culture française soit considérée comme une culture musulmane parmi les cultures musulmanes

Fidèle à la stratégie frériste qui consiste à s’appuyer sur la jeunesse, Tariq Ramadan s’est adressé prioritairement à cette dernière. Surfant sur le sentiment victimaire des jeunes de banlieue, il a défini l’islam comme la religion de «tous les opprimés», aussi bien ceux des «cités française» que ceux de «l’Afrique ou de la Palestine». Pour conclure, il a exhorté les musulmans à prendre leurs responsabilités. «Tous ce que j’ai dit est dangereux pour ceux qui aimeraient qu’on continue à se penser comme bénis-oui-oui minoritaires… la France a un grand besoin de renouveau de sa classe politique.» Bravache, Tariq Ramadan a confirmé qu’il allait demander la nationalité française. «Ce n’est pas une boutade: la France est un pays que je connais bien, que je connais de l’intérieur. On va voir s’ils vont me refuser la nationalité». Une fois français, Ramadan pourrait passer du statut de simple observateur à celui d’acteur politique et se présenter à une élection.

Et si la fiction rejoignait la réalité? Et si Tariq Ramadan ambitionnait réellement d’être le nouveau Ben Abbes? Mohammed Louizi juge l’hypothèse plausible, mais n’y croit pas vraiment: «Toute cette agitation est plutôt un aveu de faiblesse. Une partie de la gauche laïque et républicaine s’est réveillée et Tariq Ramadan sent bien que le temps de la complaisance à son égard est révolu.». Certes, mais une autre partie de la gauche, qui a troqué l’ouvrier contre l’immigré, semble prête à toutes les alliances pour conserver son pouvoir. Durant les régionales, Claude Bartolone, outre sa sortie sur la «race blanche», n’avait pas hésité à enrôler dans sa campagne des candidats proches du Parti des Indigènes de la République (PIR). Dans l’entre deux tour, ces derniers avaient organisé un meeting «contre les dérives racistes et islamophobes de l’état d’urgence, la politique guerrière de la France, le tout-sécuritaire et l’état d’exception liberticide». A la tribune, un invité de marque: un certain Tariq Ramadan.

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