Assiste-t-on à une résurgence de l’antisémitisme ?
Le tour de la question

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Depuis la mort du jeune Ilan Halimi en 2006 jusqu’à celle de l’octogénaire Mireille Knoll en 2018, onze meurtres antisémites ont été commis en douze ans sur le sol français.

Parallèlement, ces derniers mois, un garçon de 8 ans portant une kippa a été agressé par deux adolescents à Sarcelles, une famille juive a été séquestrée à Livry-Gargan, en Seine-Saint-Denis, les agressions antisémites se sont multipliées en Allemagne, en Suède, et la Pologne vient d’adopter une loi accusée de réécrire l’histoire de la Shoah…
Alors, assiste-t-on à une résurgence de l’antisémitisme aujourd’hui ?
Faisons le tour de la question.

L’antisémitisme est un sentiment systématique d’aversion envers les juifs, parfois résumé par l’expression de « racisme antijuif ». Ce mot d’antisémitisme a été inventé par un journaliste allemand en 1879, mais il puise ses racines dans le Moyen Âge, et l’antijudaïsme chrétien. Jusqu’au XXe siècle, l’Église catholique qualifiait en effet les juifs de « peuple déicide », c’est-à-dire responsable de la crucifixion de Jésus, et leur reprochait de ne pas le reconnaître comme le Messie. Après des siècles de persécutions, le XIXe siècle a vu l’émergence de l’antisémitisme moderne, basé sur une haine de nature raciale, et non plus religieuse. Celui-ci a culminé avec l’avènement du nazisme et la Shoah, l’extermination d’environ 6 millions de juifs d’Europe.
Mais même après l’horreur de ce génocide et la prise de conscience internationale, l’antisémitisme d’extrême droite n’a jamais totalement disparu du vieux continent. Depuis quelques années, il progresse fortement en Europe centrale : notamment en Hongrie, dans la démocratie dite « illibérale » de Viktor Orbán ; ou encore en Autriche, avec la montée spectaculaire du parti FPÖ, fondé par d’anciens nazis. En ce qui concerne la France, qui compte la plus grande communauté juive d’Europe (500 000 personnes, soit 1 % de la population française), la deuxième moitié du XXe siècle aura été synonyme d’accalmie sur le plan de l’antisémitisme. Les choses ont changé lors du passage au nouveau millénaire quand a éclaté la deuxième Intifada au Proche-Orient. Entre 1999 et 2000, les actes antisémites, actions et menaces, ont été multipliés par dix en France, passant de 82 à 744.

Depuis, ces chiffres ne sont jamais redescendus au niveau de 1999. Il faut toutefois noter que depuis 2015, où ils ont connu un véritable pic, ces chiffres sont en baisse : 808 actes antisémites ont été enregistrés en 2015, 335 en 2016, et 311 en 2017. Cela étant, une grande partie des actes racistes commis en France continuent de viser des juifs, malgré leur faible proportion dans la population. Par ailleurs, les données de 2017 indiquent une progression des actes antisémites les plus violents (de 77 à 97). Parmi eux, on se souvient du meurtre de Sarah Halimi en avril 2017.

Or, comme dans les attentats de l’école Ozar Hatorah de Toulouse en 2012 et de l’Hyper casher de la Porte de Vincennes en 2015, ces crimes antisémites ont été commis au nom de l’islam.

La résurgence de l’antisémitisme dans des milieux islamistes, depuis le début des années 2000, relève pour certains observateurs d’un « nouvel antisémitisme », qui reprend des stéréotypes anciens mais s’opère sur de nouvelles bases idéologiques. Les tenants de ce concept insistent sur le caractère antisémite – plus ou moins déguisé – des critiques formulées envers l’État d’Israël, y compris par une partie de la gauche radicale. Alors, résurgence de l’antisémitisme ou pas ?

Une chose est sûre : cette réalité perdure et continue de se manifester régulièrement, par vagues de violence physique et verbale.
L’antisémitisme n’a jamais vraiment cessé et semble avoir adopté, depuis une quinzaine d’années, de nouveaux visages.

Mélinée le Priol